Non seulement il y a beaucoup de prairies au bois de Vincennes, mais elles sont d'une extra-ordinaire diversité. "Haussmaniennes", spontanées, piétinées, tranquilles, hautes, rases.... la flore se régale.
Le bois de Vincennes est, avec celui de Boulogne, l'un des deux bois les plus vastes et les plus riches en biodiversité de la région parisienne. Mais pas seulement : "L'intérêt du bois de Vincennes c'est ce patchwork de différents milieux complémentaires : prairies, forêts, lacs, favorables à certaines espèces", m'explique Michel Neff du service espace vert de la ville de Paris et forestier au bois de Vincennes. Une diversité que l'on retrouve aussi dans ses 50 hectares de prairies (sur 995).
Le bois de Vincennes possède 50 hectars de prairies
D'HAUSSMANN À FLORILÈGES
On s'y promène, on y fait son jogging du dimanche, des évènements y sont organisés - près de 300 chaque année ! Cette affluence grandissante du bois de Vincennes dépasse celle de tous les autres bois franciliens : "à lui seul il possède une pression aussi forte que celui de Fontainebleau, pourtant 25 fois plus petit que lui" insiste Michel. La gestion des prairies doit donc s’adapter : "En bord de route, autour des lacs artificiels ou encore sur la célèbre Allée royale par exemple on fauche régulièrement pour assurer une bonne visibilité et pour pouvoir accueillir les visiteurs. » A l’inverse, à l’abri des spectateurs de concert et des pique-niques familiaux, les moins fréquentées ont droit à un autre traitement. « Aux abords de l’Allée royale ou dans les pentes de Gravelle [sentier bien connu des sportifs, NDLR], nous ne le faisons que tous les deux ou trois ans, pas plus. »
Ce mode de gestion différenciée en fonction de la fréquentation se pratique depuis une vingtaine d'année. Les prairies, elles, sont là depuis bien plus longtemps. Certaines depuis les aménagements du bois...sous Hausmann, en 1870 ! d'autres remontent aux années 70-80. Jusqu'à cette époque d'ailleurs, une partie du bois subissait une forte emprise militaire. Mais lorsque les terrains ont été rétrocédés à la ville de Paris, ces derniers montraient quelques séquelles. "Nous avons récupéré des sols très pauvres qui s'apparentaient à de la friche industrielle. Certains sols sont devenus des prairies spontanées, mais d'autres ont dû être recréés avec importation de terre de culture."
Jeunes, vieilles, fréquentées, désertées, spontanées, crées... il y a "mille" types de prairies au bois de Vincennes ! Pour y développer une biodiversité riche, un mode de gestion standard ne suffit pas, mais plusieurs sont nécessaires. Certains se prêtent mieux à telles ou telles prairies plutôt qu'à d'autres. Il fallait donc des indicateurs de suivi de la biodiversité. "Après avoir fait des inventaires d'insectes, de mollusques, après avoir participé à Propage pour suivre les papillons, Florilèges était la suite logique de la démarche".
Relevés Florilèges au bois de Vincennes
ELOGE DE LA FLORE BANALE
Après trois années de protocole, il est encore trop tôt pour apporter des conclusions. "Cependant, on voit déjà des prairies très riches, d'autres beaucoup moins." Le cas des prairies plantées par les jardiniers de Napoléon III est intéressant. "Les vieilles prairies présentent des traits typiquement prairiaux, elles ont une structure stable ; les autres, plus récentes, montrent une alternance de végétation."
Une véritable prairie, c'est toute cette "flore banale" qu'on a trop tendance à négliger. "Je suis content d'avoir des tâches d'orties ou une belle prairie avec du fromental, cette grande graminée très caractéristique... me confie Michel, passionné. Ces espèces donnent une prairie très verte peu fleurie, mais quand on les observe de près on trouve un tas de bestioles dedans."
Contrairement aux apparences, une prairie supporte tout un écosystème. Du faucon crécerelle qui vient y chasser, au grillon champêtre, à la luzerne... sans oublier "ces centaines de toiles d'araignées accrochées aux herbes qui se dévoilent certains matins dans la rosée." A Vincennes, malgré les activités humaines, tout ce petit monde est bien installé.
Une chose énerve particulièrement le forestier : cette idée selon laquelle une prairie n'est qu'un tapis de pâquerettes éphémère. « Il y a eu récemment un engouement pour ce qu'on appelle les prairies fleuries. Sont arrivés sur le marché des mélanges de semis qui permettaient d’avoir plein de fleurs rapidement. Problème : ces plantes annuelles disparaissaient l'année suivante !»
REDORER LEUR BLASON
Florilèges a donc permis de guider les pratiques, d'adapter les fauches par exemple. "Dans certains endroits où les fauchages étaient trop espacés, il y a eu un retour à la friche. Une prairie necessite forcément un entretien annuel ou tous les deux trois ans." Les prairies ne sont pas des zones délaissées : voilà le message à faire passer au public.
Grâce à des panneaux pédagogiques, les gestionnaires tiennent à expliquer leur travail de gestion et les bénéfices de Florilèges. Cela apporte une certaine renommée et de l'intéret écologique aux prairies du bois. "Nous essayons de montrer que sur un mètre carré de prairie on peut retrouver dix, vingt espèces ! Dire qu'on y mène des études et qu'on y a découvert X espèces spécialisées ça donne une vision différente des prairies."
Dernier argument pour redorer leur blason: "Depuis quelques années nous récupérons le foin de la fauche pour nourir les chevaux de trait." se réjouit Michel. En juillet, en vous promenant sur l'Allée royale (première photo) vous pourrez voir ces grosses meules de foin qui attendent de rejoindre les écuries.