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Les actualités

    18/05/2021

    Gestionnaires : comment suivre la biodiversité dans les espaces verts ?

     

    Vous êtes gestionnaire d’espace vert, de parc, de square ? Grâce à deux protocoles de suivi de la biodiversité vous pouvez d’une part évaluer la valeur intrinsèque de votre site mais également constater son évolution au cours du temps. Notamment celle qui peut survenir à la suite de modifications de pratiques : réduction du nombre de tontes des pelouses, exportation des résidus de fauches etc.

    En effet, de plus en plus, les gestionnaires souhaitent adopter une gestion favorable à la biodiversité. Mais pour convaincre les collectivités, faut-il encore disposer d’éléments chiffrés, de preuves scientifiques de son efficacité. Propage (papillons) et Florilèges (flore des prairies urbaines) donnent la possibilité de produire des indicateurs de votre milieu. Indicateurs qui, comparés aux moyennes nationales, vous diront si oui ou non il fait « bon vivre » dans vos jardins.

    SUIVRE LES PAPILLONS AVEC LE PROPAGE

    Créé en 2009, le Propage permet de suivre les papillons de jour au sein des espaces verts. Depuis sa création, 1180 transects (parcours d’observation) ont été suivis et 70911 papillons observés. Les comptages se font dans des habitats divers : prairies (40%), mais également pelouses (15%) et squares urbains (14%). Ainsi, fort de bientôt 10 ans de suivis, l’analyse des données à l’échelle nationale apporte des résultats qui confortent la robustesse du protocole. Un exemple : dans les prairies non fauchées ou tardivement l’abondance moyenne de papillons augmente d’ 1/3 par rapport aux prairies fauchées plusieurs fois ou précocement. Fréquence et période de fauche ont donc un impact non négligeable sur la biodiversité ! Globalement les prairies et les friches semblent être les habitats les plus favorables aux papillons.

    Le protocole consiste à dénombrer et identifier les papillons les plus communs, en se déplaçant dans une parcelle (transect). Seuls les papillons observés dans une boîte imaginaire de 5 mètres de côté autour de l’observateur sont comptés. Le temps de parcours du transect doit être de 10 minutes (1 mètre en 2 secondes), ce qui correspond à une distance de 100 à 300 mètres, en fonction de la richesse du milieu. En savoir plus.

    Calculer l’« indice qualité » de mon milieu 

    Si ces résultats nationaux donnent une idée des pratiques à privilégier, comment savoir si mon espace vert est favorable ou non aux papillons ? Faut-il que je maintienne mon mode de gestion ou à contrario que je l’ajuste voire le modifie ? Si vous participez depuis un certain temps, vous pouvez, sur simple demande, produire un « indice qualité » de vos sites d’observation. Plus l’indice est élevé, plus l’habitat favorise les papillons ! Surtout ils permettent de vous positionner par rapport aux tendances nationales et de répondre à la question cruciale : « Est-ce que les variations que j’observe sur mon site sont liées à l’impact de ma gestion ou sont-elles liées à des variations plus globales dont je n’ai pas la maitrise ? »

    Cet indice de qualité se décline en deux mesures plus précises qui vous permettent d’affiner vos évaluations :

    Indice 1 : Richesse/abondance

    Cette mesure donne une bonne première idée de la qualité du milieu. En reportant sur le graphique la richesse et l’abondance moyenne des papillons depuis votre première année de participation, on obtient un point. La croix représente la médiane des résultats de tous les participants. Si votre point est au-dessus de la barre horizontale, la diversité de vos espèces est globalement supérieur à la moitié des données nationales. Même chose pour l’abondance si votre point se trouve à droite de la barre verticale. Vous l’aurez donc compris, l’idéal, pour prétendre avoir un site propice aux papillons : se trouver en haut à droite ! Attention cependant : l’indicateur reste relatif, on ne se situe que par rapport à l’ensemble des participants.

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    Exemple. Le parc du Sausset est un véritable poumon vert au cœur de la Seine Saint Denis. Issu de l’aménagement des grands parcs de la région au tournant des années 60, il mixe en son sein des milieux très variés : bocages, forêts, prés, pelouses. La gestion de ces espaces s’appuie sur des protocoles de suivi de la biodiversité et en particulier le Propage depuis sa création en 2009. Les observations se font sur plusieurs transects répartis dans différents habitats et modes de gestions.

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    Ici l’abondance et la diversité des papillons ont été reportés pour chacune des prairies du parc du Sausset. Globalement, si la diversité des espèces est relativement hétérogène, voire vraiment supérieur pour 5 sites, l’abondance atteint pour un seul site la moitié supérieure de l’indice national. Les prairies du parc sont donc riches en termes d’espèces, mais leur abondance reste assez faible.

    Comment l'expliquer ? On peut penser que la gestion des prairies du Sausset répond de manière appropriées aux exigences écologiques de plusieurs espèces, mais peut-être que l’environnement très urbanisé du parc en limite leur abondance. Ces hypothèses demandent encore à être vérifiées.

    Indice 2 : La sensibilité à l’urbanisation

    Les suivis Propage se faisant majoritairement en milieu urbain, il est intéressant de considérer la sensibilité des papillons à cette urbanisation. Car toutes les espèces n’y réagissent pas de la même manière ! Il y a les « urbanophiles », comme le Tircis, le Brun des Pélargonium ou l’Hespéride tacheté et les « urbanophobes », tels que le Myrtil, le Demi-deuil ou le Citron. Ainsi, comme vos données renseignent sur les groupes d’espèces observées, on peut savoir, en faisant la moyenne des sensibilités, si vos papillons sont globalement tolérants ou hostiles à l’urbanisation.

    Suivis dans le temps d’une prairie dans le Parc du Sausset

    Tous ces indicateurs donnent également la possibilité de voir l’évolution d’ année en année. Voici un exemple d’un suivi d’une prairie du parc du Sausset. Sont calculés, pour chaque année, l’indice de richesse spécifique, d’abondance et de sensibilité à l’urbanisation.

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    Comment interpréter ces graphiques ? Sur ce transect effectuée dans une prairie, la richesse spécifique suit les variations de la moyenne nationale (courbe rouge). En revanche, l’abondance varie d’année en année. Cette dernière est souvent plus élevée et fluctue fortement par rapport à la moyenne nationale. Un résultat encore plus prononcé pour l’indice de sensibilité à l’urbanisation qui est de manière constante au-dessus de la moyenne nationale.

    Devant ces « bonnes notes », le gestionnaire du parc du Sausset Nicolas Buttazzoni avance une explication : « l’environnement alentour est globalement favorable à la prairie, c’est un lieu semi ouvert avec des fourrés en développement. Il semble que le milieu fasse office de zone de refuge. »

    Si on peut considérer cette prairie plutôt favorable aux papillons, ce n’est pas le cas pour toutes les zones du parc. Sur un autre transect, la richesse et l’abondance s’avèrent nettement inférieures à la moyenne nationale… L’intéressé livre une hypothèse : « On a subi beaucoup de perturbation à cet endroit, et notamment l’implantation d’un immense château d’eau…  Le remblai présent sous le sol perturbe le milieu et la végétation qui se développe est très appauvrie »

    Dans un troisième résultat, les chiffres ne donnent rien de mieux. L’abondance en particulier se trouve toujours nettement en dessous de la moyenne nationale… Mais pour le coup, le gestionnaire n’hésite pas sur les causes potentielles : « Depuis 2002 nous faisons une fauche précoce fin juin et une tardive en août. Ces résultats nous permettent de voir l’impact de l’intensité de la fauche. Les résultats sont donc liés à la gestion. Dès qu’on fait un deuxième propage en juillet après la fauche précoce, ça se voit immédiatement : il ne reste plus rien. »

    Parc du Sausset

    Parc du Sausset en Seine-Saint-Denis 

     

    SUIVRE LES PLANTES AVEC FLORILÈGES-  PRAIRIES URBAINES

    Créé en 2014, Florilèges - prairies permet d’évaluer et de suivre la qualité floristique des prairies en relation avec leurs pratiques de gestion. Depuis 4 ans, 320 prairies ont été suivies au moins une fois sur 156 sites. En 2018, 50625 plantes ont été relevées.

    Florilèges - prairies consiste à recenser 60 espèces dans 10 carrés d’1m² au cœur même de la prairie. Plusieurs outils sont fournis aux gestionnaires : un livret d’accompagnement au protocole, des fiches de terrain complétées d’un guide d’identification des plantes. En savoir plus.

    6 indicateurs « d’intérêt écologique »

    Comme pour le Propage, Florilèges - prairies a défini des indicateurs écologiques : le nombre d’espèces, leur fréquence, leur typicité, leur attrait pour les pollinisateurs et leur dépendance vis à vis de ces pollinisateurs. Enfin le dernier indice révèle leur dépendance aux animaux pour la dispersion de leur semence (plantes zoochores). Les résultats nationaux nous montrent que ces derniers dépendent du mode de gestion appliquée.

    Par exemple, sur les 60 espèces à identifier grâce au guide, 10 en moyenne sont observées dans les prairies broyées ou coupées contre 13 en moyenne dans les prairies pâturées (résultats 2016). La typicité, qui correspond à la proportion d’espèces spécifiques des prairies, elle augmente dans les prairies qui subissent une fauche, où la moitié des espèces sont typiques. Sans gestion aucune, elles ne représentent que 40% de l’ensemble des espèces totales.

    A côté de ces indicateurs de qualité écologiques sont proposés deux indicateurs de perturbation du milieu :  

    -L’indicateur d’enrichissement du sol (par des déchets, des dépôts de pollution atmosphérique, de l’urine, des engrais) donné par la proportion d’espèces nitrophiles, c’est-à-dire des plantes qui tolèrent les milieux riches en azote.

    - L’indicateur de perturbation mécanique donné par la proportion d’espèces annuelles. Contrairement aux espèces vivaces, les plantes annuelles sont souvent des pionnières ; elles s’installent suite au retournement des sols par des engins ou par les terriers de lapin. 

    A partir de ces 8 valeurs de référence, il est possible de comparer les résultats locaux avec les moyennes nationales et ainsi de se situer.

    Exemple d’une prairie « très typique »

    Cette prairie de l’Essonne de 200 m² a été créée il y a plus de 10 ans sur d’anciennes cultures et friches. Elle est fauchée et broyée tardivement sans exportation. Si on calcule les 8 indicateurs précédents, on obtient le graphique suivant.

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    Une prairie « très typique » avec 84% d'espèces prariales

     

    L’excellent résultat de l’indicateur de typicité est flagrant : 84% d’espèces prairiales ! La fauche tardive favorise en effet les plantes typiques des prairies. Les observateurs en ont mis en évidence un certain nombre : le Trèfle champêtre, Aigremoine eupatoire, Salsifis des prés, Pâturin des prés, Plantain lancéolée, Carotte sauvage, Achillée millefeuille. Parmi elle, une seule espèce de friche : La Picride fausse vipérine...

    Malgré tout, ça n’est pas suffisant : cette prairie est pauvre en espèces et présente peu d’attrait pour la faune. Il sera intéressant de suivre son évolution dans le temps pour s’assurer que ces indicateurs s’améliorent.

    Une prairie avec un fort intérêt écologique

    La prairie du moulin Joly de la ville de Colombes a été créée en 2014 avec au préalable un apport de terre végétale et un labour.

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    Une prairie avec un fort intérêt écologique, tous les indicateurs présents sont dans le vert

     

    Avec 2 tontes par an l’été, cette prairie ne correspond pas vraiment aux pratiques généralement recommandées (plutôt 1 fauche tardive). Par contre, elle bénéficie d’un export des résidus de fauche, ce qui est en revanche fortement recommandée. Relativement jeune, on voit pourtant que les indicateurs de qualité écologique sont à chaque fois supérieurs aux moyennes nationales (trait noir) ! " Il y en avait que deux dans toute la France ! " précise Audrey Muratet, coordinatrice du programme pour la région Île-de-France.

    "Par contre, les niveaux de perturbation sont plus élevés que la moyenne, le suivi dans le temps nous permettra de vérifier (ou non) que l’export des résidus aura un effet bénéfique sur le taux de nitrophilie. Mais aussi que l’effet du labour à la mise en place de la prairie sera de moins en moins visible sur la proportion d’espèces annuelles."

     

    En suivant les paillons et les plantes dans les espaces verts, les gestionnaires ont ainsi la possibilité, grâce à nos indicateurs, d’évaluer la biodiversité de leurs sites, mais aussi de comprendre leur évolution. Avec un objectif : évaluer les modes de gestion. Pour le Propage nous avons pris des exemples concernant les prairies mais sachez que les indicateurs peuvent s’obtenir, encore une fois sur demande, pour n’importe quel milieu : pelouses, bois, cimetières etc. Comme son nom l’indique Florilège - prairies urbaines ne s’applique lui qu’aux prairies. Pour des résultats plus fins, il est enfin conseillé d’appliquer et de croiser les deux protocoles. Car plus on dispose d’indicateurs, plus ces éléments chiffrés pourront guider gestionnaires mais aussi décideurs vers des parcs et jardins plus accueillants.

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    18/05/2021

    Un quadrillage de prairies expérimental au cœur de Rouen

    Lorsqu'on observe depuis les satellites de Google Earth le site de la Petite Bouverie à Rouen, on se croirait au générique de Roswell : un champ, de grands tracés réguliers... Sauf que là, pas de cercle en forme de soucoupe volante mais un quadrillage sur fond vert. Autre différence : il n'y a aucun doute sur l'origine humaine de la structure. Pierre Arnaud Prieur, chargé de gestion différenciée à la Métropole Rouen Normandie me le confirme : "Nous avons créé ce site de 42 placettes expérimentales sur laquelle sont appliqués différents modes de tonte. Le but étant d’évaluer l’impact de la gestion différenciée sur la biodiversité."

    En 2013 les premières prairies urbaines ont fleuri dans la métropole normande, dans le cadre d'un plan d'action de gestion différenciée de l'espace public. Favoriser la biodiversité sur le territoire faisait partie des engagements. Pour évaluer l'efficacité des prairies, on commence à procéder, dès 2014, à des inventaires avec les programmes Florilèges (flore) et Propage (papillons). Mais Pierre Arnaud et son équipe ont voulu aller plus loin. "On a vite été confronté à une problématique pour mesurer les impacts de nos changements de pratiques. Pour cette raison nous avons voulu mettre en place un site expérimental pour se rendre compte si le fait de tondre ou faucher fréquemment avait un impact sur la biodiversité."

    CAMAÏEU 

    Et on a vu grand dans la ville "aux cent clochers". C'est sur une vaste prairie d'un complexe sportif de Rouen qu'est né ce premier site expérimental de gestion différenciée en France. Le concept ? On a tout d'abord tracé dans l'herbe un rectangle quadrié, contenant 42 carrés contigus. Une sorte de grand "carton de loto". C'était en 2015. Depuis, dans chaque "case" s'applique une gestion différente. Sur la première rangée on ne fait rien, on laisse pousser sans intervenir. Sur la deuxième rangée on fauche une fois par an ; sur la troisième deux fois et ainsi de suite jusqu'à l'autre extrémité où on coupe tous les 14 jours. Enfin, sur une moitié de la parcelle, les herbes coupées sont ramassées, sur l'autre elles sont laissées sur place.

    Avec ce gradient de fauches sur un même site, il devient ensuite facile de comparer les gestions. Déjà visuellement : après quelque temps un camaïeu est apparu, s'étalant de la pelouse à la prairie, du vert gazon au jaune. Cela montre bien que tout a évolué différemment. Le protocole Florilèges, notamment, a permis d'affiner : "Au bout d'un an les premiers inventaires floristiques nous ont permis d'observer des espèces variées. Par exemple, la pâquerette se retrouve dans pelouses mais pas dans les prairies. A l'inverse de la Berce ou la Carotte sauvage qu'on ne retrouve pas dans les pelouses fréquemment tondues."

    Florilèges_Rouen © Métropole Rouen Normandie

    Au premier plan, une fauche fréquente sans ramassage d'herbe, au second plan une fauche moins fréquente

     

    Quelle meilleure idée pour démontrer visuellement l'impact des différentes pratiques! Aujourd'hui à la Petite Bouverie, on accueille toutes sortes d'acteurs pour sensibiliser à la gestion différenciée : communes, entreprises, particuliers, etc. "Nous recevons par exemple des agents communaux qui se posent des questions techniques sur la fauche, mais aussi des élus qui veulent voir à quoi cela ressemble avant de se lancer."  Il y a les particuliers qui s'engagent dans le développement durable. "Ils viennent pour se renseigner sur ce que font les communes mais aussi sur ce qu'ils peuvent mettre en place chez eux." Et il y a ceux qui vivent autour, rassuré par ce mystérieux rectangle vert empêchant l'installation d'un nouveau bloc de béton...

    EN ATTENDANT 2020...

    Alors "carton plein" pour les gestionnaires de la Petite Bouverie ? Patience, car le projet a également une visée scientifique. En plus du protocole Florilèges, des inventaires sont faits par des étudiants de licence qui transmettent leurs données à un laboratoire de l'université de Rouen (Ecodiv'). Les analyses en cours donneront lieu à une publication scientifique en 2020, à la fin de l'expérimentation. Impossible de communiquer les premiers résultats, Pierre-Arnaud Prieur se contente de me confier une tendance. "Lorsqu'on exporte l'herbe après avoir tondu, la diversité végétale est plus riche que si on laisse sur place". Un phénomène connu, comme ceux qui porteront sur l'influence des fréquences de tonte sur la flore. Mais pour une fois nous aurons des chiffres, et un véritable outil de comparaison. 

    En tout cas si vous êtes dans le secteur n'hésitez pas à aller voir cette œuvre unique et discuter avec les agents qui entretiennent le site. Sinon, pour vous y promener virtuellement c'est par ici : https://earth.app.goo.gl/nVz6d

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    18/05/2021

    Mille et une prairies au bois de Vincennes

    Le bois de Vincennes est, avec celui de Boulogne, l'un des deux bois les plus vastes et les plus riches en biodiversité de la région parisienne. Mais pas seulement : "L'intérêt du bois de Vincennes c'est ce patchwork de différents milieux complémentaires : prairies, forêts, lacs, favorables à certaines espèces", m'explique Michel Neff du service espace vert de la ville de Paris et forestier au bois de Vincennes. Une diversité que l'on retrouve aussi dans ses 50 hectares de prairies (sur 995).

     

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    Le bois de Vincennes possède 50 hectars de prairies

    D'HAUSSMANN À FLORILÈGES

    On s'y promène, on y fait son jogging du dimanche, des évènements y sont organisés - près de 300 chaque année ! Cette affluence grandissante du bois de Vincennes dépasse celle de tous les autres bois franciliens : "à lui seul il possède une pression aussi forte que celui de Fontainebleau, pourtant 25 fois plus petit que lui" insiste Michel. La gestion des prairies doit donc s’adapter : "En bord de route, autour des lacs artificiels ou encore sur la célèbre Allée royale par exemple on fauche régulièrement pour assurer une bonne visibilité et pour pouvoir accueillir les visiteurs. » A l’inverse, à l’abri des spectateurs de concert et des pique-niques familiaux, les moins fréquentées ont droit à un autre traitement. « Aux abords de l’Allée royale ou dans les pentes de Gravelle [sentier bien connu des sportifs, NDLR], nous ne le faisons que tous les deux ou trois ans, pas plus. »

    Ce mode de gestion différenciée en fonction de la fréquentation se pratique depuis une vingtaine d'année. Les prairies, elles, sont là depuis bien plus longtemps. Certaines depuis les aménagements du bois...sous Hausmann, en 1870 ! d'autres remontent aux années 70-80. Jusqu'à cette époque d'ailleurs, une partie du bois subissait une forte emprise militaire. Mais lorsque les terrains ont été rétrocédés à la ville de Paris, ces derniers montraient quelques séquelles. "Nous avons récupéré des sols très pauvres qui s'apparentaient à de la friche industrielle. Certains sols sont devenus des prairies spontanées, mais d'autres ont dû être recréés avec importation de terre de culture."

    Jeunes, vieilles, fréquentées, désertées, spontanées, crées...  il y a "mille" types de prairies au bois de Vincennes ! Pour y développer une biodiversité riche, un mode de gestion standard ne suffit pas, mais plusieurs sont nécessaires. Certains se prêtent mieux à telles ou telles prairies plutôt qu'à d'autres. Il fallait donc des indicateurs de suivi de la biodiversité. "Après avoir fait des inventaires d'insectes, de mollusques, après avoir participé à Propage pour suivre les papillons, Florilèges était la suite logique de la démarche".

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    Relevés Florilèges au bois de Vincennes

    ELOGE DE LA FLORE BANALE

    Après trois années de protocole, il est encore trop tôt pour apporter des conclusions. "Cependant, on voit déjà des prairies très riches, d'autres beaucoup moins." Le cas des prairies plantées par les jardiniers de Napoléon III est intéressant. "Les vieilles prairies présentent des traits typiquement prairiaux, elles ont une structure stable ; les autres, plus récentes, montrent une alternance de végétation."

    Une véritable prairie, c'est toute cette "flore banale" qu'on a trop tendance à négliger. "Je suis content d'avoir des tâches d'orties ou une belle prairie avec du fromental, cette grande graminée très caractéristique... me confie Michel, passionné. Ces espèces donnent une prairie très verte peu fleurie, mais quand on les observe de près on trouve un tas de bestioles dedans." 

    Contrairement aux apparences, une prairie supporte tout un écosystème. Du faucon crécerelle qui vient y chasser, au grillon champêtre, à la luzerne... sans oublier "ces centaines de toiles d'araignées accrochées aux herbes qui se dévoilent certains matins dans la rosée." A Vincennes, malgré les activités humaines, tout ce petit monde est bien installé.

    Une chose énerve particulièrement le forestier : cette idée selon laquelle une prairie n'est qu'un tapis de pâquerettes éphémère. « Il y a eu récemment un engouement pour ce qu'on appelle les prairies fleuries. Sont arrivés sur le marché des mélanges de semis qui permettaient d’avoir plein de fleurs rapidement. Problème : ces plantes annuelles disparaissaient l'année suivante !» 

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    REDORER LEUR BLASON

    Florilèges a donc permis de guider les pratiques, d'adapter les fauches par exemple. "Dans certains endroits où les fauchages étaient trop espacés, il y a eu un retour à la friche. Une prairie necessite forcément un entretien annuel ou tous les deux trois ans." Les prairies ne sont pas des zones délaissées : voilà le message à faire passer au public.  

    Grâce à des panneaux pédagogiques, les gestionnaires tiennent à expliquer leur travail de gestion et les bénéfices de Florilèges. Cela apporte une certaine renommée et de l'intéret écologique aux prairies du bois. "Nous essayons de montrer que sur un mètre carré de prairie on peut retrouver dix, vingt espèces ! Dire qu'on y mène des études et qu'on y a découvert X espèces spécialisées ça donne une vision différente des prairies."  

    Dernier argument pour redorer leur blason: "Depuis quelques années nous récupérons le foin de la fauche pour nourir les chevaux de trait." se réjouit Michel. En juillet, en vous promenant sur l'Allée royale (première photo) vous pourrez voir ces grosses meules de foin qui attendent de rejoindre les écuries. 

    Article
    18/05/2021

    Les « prairies urbaines » : ça grouille de vie !

    Dans la commune de Vauréal dans le Val d’Oise, à 25 km au nord de Paris, on a décidé un beau jour d’arrêter… de tondre régulièrement les espaces verts. « En 2014, nous avons été l’une des premières communes à nous y mettre dans notre département, juste après la Seine-Saint-Denis. Depuis on n’a jamais arrêté » me raconte Christophe Etchemendy, Responsable des espaces verts de la ville. Cet homme dynamique et avenant, passionné par la nature qu’il côtoie depuis l’enfance s’enorgueillit aujourd’hui d’avoir une douzaine de prairies urbaines.  Selon lui ces espaces (presque) livrés à eux même montrent plein de bénéfices, écologiques, économiques et même sociaux. Témoignage entre deux "fauches tardives" d'octobre.

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    Relevé des différentes espèces de plantes au coeur d'une prairie de Vauréal

     

    Des fleurs encadrées

    Pour faire d’un gazon ras, du style parcours de golf, une prairie urbaine, il suffit  de ne sortir la tondeuse qu’une seule fois par an. Au lieu d’une dizaine de fois habituellement. Cette « fauche tardive », effectuée en général fin octobre, fait évidemment le bonheur de toute sorte d’espèces de plantes qui n’existaient pas auparavant.  « Sur des pelouses devenues des prairies il nous arrive de trouver des trèfles communs ou porte-fraises, constate Christophe,  mais aussi de vraies plantes des prairies (poacées ou graminées), elles nous prouvent qu’on est bien face à un changement de milieu. Et à une diversification des espèces ! »

    Pour confirmer cette transformation, le service communal a mis en place le protocole Florilèges-prairies urbaines, observatoire de science participative porté entre autres* par Vigie-Nature. L’objectif : mettre en lien les pratiques de gestion des prairies avec la biodiversité observée. « Le protocole est très simple, explique-t-il tout en me présentant de grands cadres en bois, il s’agit de placer près du centre de la prairie 10 quadras d’un mètre de côté puis de relever les espèces qui se trouvent à l’intérieur des carrés. Pas besoin de les observer toutes, mais seulement d’indiquer la présence ou l’absence de 60 espèces répertoriées dans un guide ». Et ce, chaque année, entre le 1er juin et le 31 juillet, et au même endroit. L’idée n’est pas tant de découvrir de nouvelles fleurs rares ou inconnues – bien que cela soit tentant, avoue-t-il  - mais de vérifier d’une année sur l’autre une intuition, comme la diversification des plantes. « En général les gazons d'agrément ne sont composés que de deux ou trois espèces de graminées, ce protocole nous a permis d’en répertorier une douzaines dans chaque prairie ! » Enfin ces informations saisies sur la plateforme Florilèges sont ensuite reçues par le Muséum de Paris qui crée un vaste réseau de données scientifiques. Dans l'objectif, à terme, de mieux connaître cet environnement et de guider les gestionnaires dans leurs pratiques (pour en savoir plus je vous invite à jeter un oeil au Bilan 2016).

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    Les fameux "quadras" du protocole. On ne note que les plantes contenues dans le cadre !

     

    Sherlock Holmes

    Aujourd’hui à Vauréal, Christophe est parvenu à mobiliser 7 personnes jouant les Sherlock Holmes à travers les prairies de la commune. Des jardiniers municipaux qui ont reçu une petite formation dispensée par l’association Natureparif (cofondateur de Florilèges), de manière à connaître les rudiments de botanique et la mise en place du protocole. « Au départ on n’est pas des experts en botanique ! rappelle Christophe, c’est pour cela qu’on a un protocole à la portée de tous. Le petit guide botanique « La clé des prairies » évite de se tromper, de confondre une fleur avec une autre même si leurs caractères se ressemblent. On se dit souvent, par exemple « attention il n’y a pas le petit centre jaune ici, c’est une autre espèce ! » »

    « L’an prochain, nous serons 9 ! » se réjouit Christophe. Le programme Florilège, assez divertissant, peu contraignant, rencontre un fier succès. « Pendant la période de relevés les agents ne pensent qu’à une chose le matin, aller poser les quadrats et commencer à identifier » avoue le chef d’équipe. Mais, en plus de se sentir utiles, cet exercice permet aux professionnels de découvrir leur environnement de travail sous un nouveau jour. « En faisant cela ils découvrent que l’herbe a laissé place à des plantes, à des fleurs ; ils voient que certaines plantes ont évolué d’une année sur l’autre, d’autres sont apparues, d’autres encore ont disparu... Ils comprennent ainsi, d’après leur retour, les enjeux de la mise en place de cette gestion différenciée. » Et pourtant, tous n’étaient pas convaincus dès le départ : « Lorsque je proposais d’arrêter de tondre certains me regardaient d’un mauvais œil : « tu comprends, ça fait moins propre… »

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    Exemple de relevé d'une prairie à Vauréal

     

    « Nid à tiques » ?

    Si la ville de Vauréal cherche à étendre cette gestion différenciée, Christophe admet que « parfois ça ne passe pas ». « On avait essayé un jour de faire une fauche tardive pas loin d’une école, on avait même tondu un grand carré au centre pour laisser les enfants jouer au foot. Mais on a fini par l’abandonner, même si les élus nous ont soutenus au départ. » La raison ? L’aspect « délaissé »,  « pas propre », une réprobation d’ordre esthétique que Christophe doit prendre en compte : « il faut aussi écouter la population, ne pas être obtus. Quitte à freiner nos projets ». L’idée est donc de « dessiner un paysage différent » tout en montrant que l’espace n’est pas abandonné, que ça reste entretenu… Une autre accusation récurrente porte sur « le manque d’hygiène ». Les prairies seraient de véritables « nids à tiques ». Christophe soupire… « Les fauches tardives n’accueillent pas plus les tiques que les zones tondues, c’est une idée préconçue. Les tiques vivent dans les milieux qui abritent les hôtes (chevreuils, sangliers)  sur lesquels ils pourront se nourrir et être transportés. Que les propriétaires de chiens se rassurent ! »

    Mieux pour moins cher !

    Heureusement les mauvaises critiques sont rares : d’une manière générale, les riverains sont satisfaits de ces transformations, et le font savoir : « souvent lorsqu’ils nous croisent en train de faire nos relevés Florilèges, ils nous disent « moi j’aimerais bien participer aussi ». C’est encourageant ! ». Ce qu’il faut avant tout c’est que la population comprenne les bienfaits de ces prairies. L’outil le plus efficace reste la communication : « devant chaque prairie, par exemple, nous avons installé une pancarte « fauche tardive » qui explique les bénéfices en terme de biodiversité ! » 

    En plus de la bonne santé environnementale, il est un argument imparable que Christophe n’hésite pas à brandir face aux élus : le bénéfice économique ! Pas besoin d’être expert en budget pour comprendre que réduire les fréquences d’intervention évite de dépenser. Mais pas seulement : « cela représente des litres et des litres d’essence en moins par an, donc moins de rejet de CO2 mais aussi du temps en plus pour faire autre chose. On est 12 agents communaux pour 48 hectares d’espaces vert, on n’a pas trop le choix. Ce mode de gestion s’est imposé de lui-même » reconnaît-il.

    prairie

    Qui a dit que les prairies n'étaient pas fleuries ? (Marguerites communes)

     

    L’appétit vient en mangeant

    Aujourd’hui les initiatives de Christophe sont fortement encouragées par la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et la Maire de Vauréal. Sa dernière fierté : deux libellules (sur 5) décernées par un nouveau label Ville-Nature qui récompense toutes les actions en faveur de la biodiversité. Lorsque je lui demande s’il envisage de poursuivre le protocole Florilèges, voire d’en mettre en place de nouveaux, il me répond que « l’appétit vient en mangeant » (l’heure du déjeuner approchait) : « On y prend gout. Vous commencez par suivre un protocole, vous en tirez des bénéfices– car il y a toujours des bénéfices – puis vous en faites un deuxième, un troisième… Car en plus des relevés de plantes on a mis en place un protocole vers de terre (OPVT), sur les mêmes praires, avec des relevés aux mois de mars-avril pour vérifier la qualité de nos sols. On devrait aussi bientôt se mettre au suivi des oiseaux avec le programme STOC ! » Chapeau.

     

    Crédits photos : Christophe Etchemendy

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